AVIS: la France doit faire plus sur les prix du carburant ou faire face à la rébellion cet été

Les manifestations des “gilets jaunes” de 2018 ont commencé comme une protestation contre les prix du carburant. Photo de MEHDI FEDOUACH / AFP

Un de mes voisins d’un village perché de Normandie se rend tous les jours au travail à Caen, 90 kilomètres aller-retour. Depuis le début de la guerre d’Ukraine, la facture de son trajet hebdomadaire a augmenté d’environ 16 € et s’élève désormais à 90 € par semaine.

Comme Fabrice gagne le salaire minimum d’un peu moins de 300 € par semaine (après impôts et charges sociales), cela représente une part importante de ses revenus.

« Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement ne se contente pas de réduire les taxes à la pompe », a-t-il déclaré. “Tout le monde sait que la moitié de ce que nous payons pour l’essence et le diesel va au gouvernement.”

En fait, Fabrice a tort. La part des taxes dans les prix à la pompe en France est supérieure à la moitié. Il est d’environ 57 % (16,4 % de TVA ; 40,7 % de taxe sur l’énergie).

Les prix de l’essence et du diesel augmentaient déjà avant que Vladimir Poutine n’envahisse l’Ukraine et le 21e siècle. Ils ont augmenté d’environ 30 centimes le litre au cours des trois dernières semaines, plus sur le diesel que sur l’essence. Depuis deux ou trois jours, les prix à la pompe chutent alors que le marché du diesel brut et raffiné chute.

La moyenne sur l’ensemble de la France mercredi serait de 2,03 € pour le diesel et de 1,97 € pour l’essence sans plomb (sans plomb 95). Fin janvier, il était d’environ 1,70 € le litre. Lorsque la révolte de Giles Jaunes dans la province de France a commencé en 2018, il était d’environ 1,50 € le litre.

La réponse du gouvernement, jusqu’à présent, a été d’annoncer une remise de 15 centimes par litre sur tout l’essence et le diesel à partir du 1er avril pendant quatre mois – à la fois à la pompe pour les automobilistes et en vrac pour les camionneurs, les agriculteurs et les pêcheurs. Pourquoi si peu et si tard ?

Le gouvernement affirme que le remboursement représente la totalité des 2 milliards d’euros de taxes supplémentaires que la hausse des prix du pétrole a générés pour les fonds publics. Réduire les taxes sur les carburants aurait pris trop de temps et aurait impliqué la révocation du Parlement. Elle n’aurait donné aucun avantage aux professionnels qui ne paient aucune taxe sur leur carburant.

La raison pour laquelle le remboursement doit attendre le 1er avril n’est pas claire.

La colère grandit.

Trois dépôts de carburant en Bretagne – à Brest, Lorient et près de Rennes – sont bloqués aujourd’hui par une coalition de camionneurs, d’agriculteurs, de pêcheurs et d’entrepreneurs publics. Ils disent qu’avec le prix du carburant si élevé, les taxes ou pas de taxes, ce n’est plus la peine d’aller travailler.

D’autres mesures, industrie par industrie, sont attendues lorsque le Premier ministre, Jean Castex, annoncera mercredi après-midi son paquet “résilience” à la guerre d’Ukraine pour l’économie française. Castex est susceptible d’annoncer des compensations aux camionneurs, pêcheurs et autres sous la forme de réductions d’autres charges.

De nombreuses questions demeurent.

La hausse des prix du carburant ne devrait pas changer le cours d’une campagne présidentielle qui dérive vers une victoire du président Emmanuel Macron les 10 et 24 avril. Si les prix élevés continuent, ils pourraient produire une réaction préjudiciable contre Macron et ses alliés lors des élections législatives de juin.

Aux prix élevés à la pompe, il faut ajouter une spirale ascendante des prix alimentaires et une pénurie de produits industriels vitaux comme l’aluminium et le titane si la guerre en Ukraine et les sanctions contre la Russie durent jusqu’à l’été.

Le gouvernement – ​​et tous les gouvernements européens – prieront pour une baisse continue des prix du brut dans les jours à venir. Il n’y a aucune raison évidente, autre que la spéculation, pour laquelle ils ont augmenté aussi haut qu’ils l’ont fait ce mois-ci.

L’Union européenne n’a pas bloqué les importations de pétrole ou de gaz en provenance de Russie. Les États-Unis l’ont fait mais n’en achètent pratiquement pas. La Grande-Bretagne prévoit de le faire, mais pas avant 2023.

En d’autres termes, il y a beaucoup d’essence et de diesel disponibles – pour l’instant.

La raison pour laquelle les prix du diesel français ont dépassé les prix de l’essence (bien qu’ils soient taxés à un taux inférieur) est que la France importe plus de diesel raffiné de Russie que d’essence. Les spéculations sur les « pénuries possibles de contrats à terme » sur le principal marché pétrolier européen à Rotterdam ont fait grimper le prix de gros des deux.

Quelqu’un gagne beaucoup d’argent avec les problèmes de gens comme mon voisin Fabrice et les pêcheurs normands qui disent qu’ils n’ont plus les moyens d’aller en mer.

Le gouvernement français – tous les gouvernements de l’UE – devrait envisager des impôts exceptionnels sur les entreprises et les particuliers qui tirent profit de la guerre en Ukraine. Les “oiligarchs” ne sont pas seulement à Moscou ou à Kensington.

Le gouvernement français pourrait commencer par TotalEnergies, ex-Total, le géant français de l’énergie, qui a réalisé des milliards d’euros de bénéfices supplémentaires grâce à la hausse des prix du pétrole sur le marché l’année dernière. TotalEnergies, contrairement à disons BP et Shell, refuse également jusqu’à présent d’abandonner ses intérêts en Russie.

Déclaration d’absence d’intérêt : J’ai une voiture électrique. Je peux passer devant les grands totems devant mon Super-U local annonçant des prix à la pompe supérieurs à 2 € le litre. Je suis heureux de voir que le président Macron prévoit d’annoncer, dans le cadre de son programme électoral, de nouvelles subventions gouvernementales pour rendre la location de voitures électriques abordable pour des personnes comme mon voisin, Fabrice.

Mais cela prendra du temps. Le gouvernement aura peut-être de la chance et les prix du pétrole continueront de baisser dans les semaines à venir. Macron et Castex seraient idiots de compter dessus.

Il faut faire plus sur les prix du carburant, et rapidement, s’il ne doit pas y avoir une rébellion de type gilet jaune dans la France provinciale ce printemps et cet été.