AVIS : la France a de nouveau rejeté le populisme autodestructeur du Royaume-Uni et des États-Unis

Emmanuel Macron avec ses partisans lors de sa fête de la victoire à la Tour Eiffel. Photo Ludovic MARIN / AFP

D’abord la bonne nouvelle. Emmanuel Macron a gagné.

Vous pourriez être pardonné d’avoir négligé ce fait au milieu de tous les commentaires réticents des médias français et britanniques pointant vers la France « divisée » qui a voté (ou n’a pas voté) hier.

Macron a gagné par 17 points, une marge supérieure à tout ce que les derniers sondages avaient prévu vendredi dernier. La France a, pour la deuxième fois, repoussé la vague de nationalisme destructeur qui a englouti la Grande-Bretagne et les États-Unis en 2016.

Cette vague populiste, nous a-t-on dit, déferlerait sur toute l’Europe, détruirait l’Union européenne et noierait le consensus libéral d’après-guerre. Ce n’est pas le cas. La France l’a bloqué deux fois ; Emmanuel Macron l’a bloqué deux fois.

La France et le président méritent un grand crédit pour cela. Près de six électeurs sur dix ont rejeté dimanche la tentative confuse et malhonnête de Marine Le Pen de faire passer l’intolérance repliée sur elle-même pour du patriotisme.

N’oublions pas que certaines idées de Le Pen (pas toutes) sont déjà au pouvoir outre-Manche et l’ont été outre-Atlantique jusqu’au début de l’année dernière.

Maintenant la mauvaise nouvelle. Franceest profondément divisé. Qu’il soit plus divisé que d’autres pays, y compris les États-Unis et le Royaume-Uni, est discutable. J’en doute.

Il n’en demeure pas moins que près de 42 % des électeurs français qui ont voté valablement ont soutenu un parti d’extrême droite dont les racines remontent au régime collaborationniste de Vichy pendant la Seconde Guerre mondiale.

Lors de l’élection de 2017, ce total était de 34 % – un score qui s’est reporté presque exactement au total combiné des trois candidats d’extrême droite au premier tour de cette élection présidentielle il y a deux semaines.

Les 42 % d’extrême droite du dimanche seront-ils transférés au premier tour en 2027 ? Tout ne le sera pas, mais certains d’entre eux le seront peut-être. Le tabou contre le vote pour l’extrême droite est comme un vase Ming : une fois brisé, il est brisé.

Il est également inquiétant que 28 % des électeurs inscrits soient restés chez eux (le plus élevé depuis 53 ans). Il est tout aussi troublant que plus de 8 % de ceux qui ont voté aient voté en blanc ou annulé. Dans l’ensemble, cela représente 15 000 000 de personnes qui ont refusé ou ont activement refusé de voter pour l’un ou l’autre des candidats.

Quant à « une France profondément divisée », la démographie du vote brosse largement le tableau des Deux Nations, une France « pro-Macron » aisée, instruite et prospère et une France « pro-Macron » plus pauvre, moins instruite et malheureuse. Le Pen” France.

Plus de 70 % des électeurs aisés ou aisés ont choisi un scrutin Macron. Environ 65 % des pauvres ou des personnes en difficulté ont voté Le Pen. Près des trois quarts des personnes ayant fait des études supérieures ont voté Macron. Plus de 60 % des personnes qui n’avaient pas leur bac ont voté pour Le Pen.

En termes d’âge des électeurs, les petits caractères du vote sont plus complexes – et plus encourageants. Les plus jeunes électeurs, les 18-24 ans, s’ils ont tous voté, ont voté 6 sur 10 pour Macron.

Les 20, 30 et 40 ans étaient plus étroitement pro-Macron. Les quinquagénaires (peut-être craignant une retraite retardée) étaient étroitement pro-Le Pen. Les plus de 70 ans étaient à plus de 70 % pour Macron.

Géographiquement, le vote était également complexe – plus complexe que l’image standard d’une France métropolitaine “réussie” et d’une France rurale et périurbaine en difficulté.

Le vote de Macron a plutôt bien résisté dans de nombreuses petites villes. Les seules régions que Le Pen a « gagnées » en France métropolitaine sont les fiefs d’extrême droite du nord-ouest (Hauts-de-France) et du sud-est (Provence-Alpes-Côte-d’Azur).

Le plus grand succès de Macron est désormais son plus grand problème. Quelque chose comme la moitié de ses 18 779 641 votes provenaient de la gauche et des verts. Ils ont voté plus anti-Le Pen que pro-Macron.

On peut dire que les élections françaises ont toujours été ainsi. Le candidat gagnant ne pouvait triompher au deuxième tour qu’en s’attirant les voix de certains des candidats perdants au premier tour.

Mais quelque chose d’important a changé. Auparavant, c’était le cas d’un candidat modéré de gauche ou de droite modérée rassemblant les votes de son propre camp plus large. Tous, ou la plupart des électeurs de droite ou de gauche ont estimé qu’ils avaient une sorte d’intérêt dans, disons, un Chirac ou un Mitterrand.

Aujourd’hui, la France est coupée en trois.

Une partie du « tiers » de gauche de l’électorat prêtera ses voix à Macron pour battre Le Pen. Ils ne se sentent pas concernés par lui. Dans de nombreux cas, ils ne l’aiment pas ou le détestent.

Macron entamera donc son nouveau mandat de président minoritaire. Il a déclaré dans son discours d’acceptation plutôt mou devant la tour Eiffel qu’il gouvernerait pour “toute la France” et montrerait sa gratitude à ses partisans d’un jour de la gauche.

C’est plus facile à dire qu’à faire. Les élections législatives de juin décideront si Macron peut faire grand-chose au cours des cinq prochaines années.

Dans l’ensemble, je crois que son parti centriste et ses alliés obtiendront une majorité de travail à la nouvelle Assemblée nationale les 12 et 19 juin. Je ne prévois pas que Macron doive céder le pouvoir à un Premier ministre Jean-Luc Mélenchon ou à un Premier ministre Marine Le Pen ou Eric Zemmour.

Mais c’est une question complexe qui ferait mieux d’attendre une autre colonne.

Pour l’instant, permettez-moi de terminer en disant, bravo à Macron et bravo à la France.

Il s’agissait du deuxième moment Brexit-Trump du pays en cinq ans. Divisé peut-être; troublé peut-être. La France a refusé de suivre la Grande-Bretagne et les États-Unis sur la voie du populisme autodestructeur.